Chaos

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lundi 2 janvier 2017

A la poursuite du grenat vert


  Influencées par son nom, évocateur d'une certaine couleur, beaucoup de personnes tendent à se figurer que le grenat, en tant que minéral, se présente toujours sous la forme d'une pierre de teinte oscillant entre le brun et le pourpre. C'est toutefois mal connaître la grande variété et la diversité inhérentes à cette famille minéralogique, qui rassemble en réalité au moins six variétés bien distinctes, que l'on peut énumérer ainsi :
  • l’almandin, souvent opaque, dont la couleur tire sur le brun rouge
  • le pyrope, qui a une couleur allant du rouge très sombre au rouge feu
  • le spessartite, translucide à la couleur allant de l’orange au brun-rouge
  • l'andradite, dont le démantoïde constitue la variété verte, avec une couleur qui va du vert émeraude au jaune vert en passant par le vert olive, est une gemme très rare et très appréciée.
  • l’uvarovite, le plus rare des grenats, en petits cristaux cubiques d’un très beau vert profond
  • le grossulaire, dont la tsavorite constitue une variété d'un vert intense
  Grenat n'est donc pas le nom d'une espèce minérale bien spécifique, mais plutôt une appellation  générique désignant l'ensemble de plusieurs espèces, s'apparentant toutes au groupe des néosilicates. Les plus convoitées, par conséquent les plus recherchées et les plus hautement monnayées, sont sans nul doute les trois dernières espèces, constitutives du groupe des grenats verts. C'est donc à une rapide présentation du démantoïde, de l'uvarovite et de la tsavorite que nous allons nous livrer à présent.

Grenats démantoïdes bruts

LE DEMANTOÏDE

  Le grenat démantoïde, variété d'andradite de formule chimique Ca3Fe2(SiO4)3,  est un silicate de fer et de calcium, qui doit sa belle coloration à la présence additionnelle de chrome. Son nom provient de l'ancien allemand Demant,  signifiant diamant, en raison de l'éclat particulier de la pierre. En effet, on dit du démantoïde qu'il a la couleur de l'émeraude et les feux du diamant, car il est au nombre des rares minéraux qui peut présenter des "feux", phénomène de déviation et de dispersion de la lumière passant dans le cristal, et lui conférant ainsi des brillances caractéristiques. Sa dureté est comprise entre 6,5 et 7 sur l'échelle de Mohs.
Ci-dessus et ci-dessous : Grenats démantoïdes, Madagascar

  Découvert en 1868 en Russie, dans l'Oural, il en est souvent originaire, mais peut aussi provenir d'Italie (Val Malenco), de Madagascar (nouveau gisement découvert en 2009 à Ambanja), de Namibie (découverte de 1996), ou encore du Canada, entre autres.
Grenats démantoïdes sur matrice rocheuse, Canada

  Les beaux spécimens de démantoïde se négocient d'autant plus cher qu'ils sont fort rares, les cristaux limpides et sans défauts constituant des pièces exceptionnelles.
Grenat démantoïde facetté, Russie
 Grenat démantoïde facetté, entouré de diamants et
monté sur bague






L'UVAROVITE

  L'uvarovite est incontestablement la variété de grenat la plus rare de toutes. Sa formule chimique est Ca3Cr2(SiO4)3 , avec aussi quelques  traces de fer, d'aluminium et de magnésium. Lui aussi est chromifère, ce qui lui donne sa remarquable couleur d'un vert profond. C'est le chimiste suisso-russe Germain Henri Hess qui a décrit l'uvarovite pour la première fois en 1832, et qui l'a baptisée en la dédiant à Sergei Semeonovich Uvarov (1786-1855), homme d'État russe, ministre et collectionneur de minéraux.
Cristaux d'Uvarovite sur matrice rocheuse, Oural, Russie


  Si celle-ci est fort rare et très convoitée par les collectionneurs en raison de la beauté de ses cristaux, ceux-ci sont néanmoins presque toujours de dimensions trop réduites pour être taillés et employés en joaillerie. On se contentera donc d'apprécier l'uvarovite en son état naturel, qui est celui de myriades de petits cristaux cubiques d'un vert vif et limpide, parsemant leurs matrices rocheuses.


  Bien qu'étant principalement extraite dans la région russe de l'Oural, où elle avait été découverte en premier lieu, certains spécimens remarquables sont issus d'autres gisements découverts depuis lors à travers le monde, notamment en Afrique du Sud, au Canada, aux Etats-Unis, en Norvège, en Pologne, en Finlande, en Nouvelle-Calédonie, et même en France métropolitaine, dans l'Aveyron.








LA TSAVORITE
  La tsavorite, quant à elle, est une variété verte de grenat grossulaire colorée par du vanadium, et qui n'a été découverte que dans la seconde moitié du XXème siècle, en 1961.
Issue pour sa part de gisements principalement africains, situé au Kenya et en Tanzanie, elle a été baptisée en référence au parc naturel kenyan de Tsavo. Dans une moindre mesure, d'autres gisements ont été découverts au Mali, où les cristaux s'avèrent pâles, dans plusieurs mines du Québec, ainsi qu'à Madagascar, où les spécimens mis au jour s'avèrent peu nombreux et de petites tailles. D'une dureté variable, comprise entre 6,5 et 7,5 sur l'échelle de Mohs, sa formule chimique est
Ca3Al2(SiO4)3 .
 Tsavorite brute sur matrice, Tanzanie
Grenat tsavorite brut, Tanzanie

  Paradoxalement, bien qu'étant celle des trois espèces qui a été découverte le plus tardivement, on peut considérer sans l'ombre d'un doute que c'est la tsavorite, largement employée en joaillerie, qui a véritablement fait connaître le grenat vert auprès d'un large public. Elle est ainsi à l'origine d'une engouement de masse qui fait qu'aujourd'hui, ce sont bel et bien les variétés vertes de grenat qui sont les plus cotées, et donc les plus recherchées.

Amas de grenats tsavorites, Québec, Canada


Grenat tsavorite brut d'une grande limpidité, Tanzanie


 Le plus gros cristal connu de tsavorite au monde, Tanzanie
Grenat tsavorite facetté


 
Grenat tsavorite facetté,
vendu pour la modique somme de 9 900,00 $ US. (!)
Dimensions : 12,21mm X 10,15mm X 6,65mm

 Grenat tsavorite facetté




Petites pierres roulées de grenat vert

  S'ils affichent souvent de petites, voire très petites dimensions, il n'est pas rare que certains cristaux de démantoïde comme de tsavorite se négocient à des prix considérables, pour peu qu'ils s'agisse de gemmes limpides, exemptes de défauts, jouissant d'une coloration intense, ainsi que d'une taille en facettes mettant en valeur leurs jeux de lumière et leurs "feux". La raison du succès des grenats verts, outre leur dureté, tient néanmoins au fait qu'ils restent malgré tout moins onéreux -et donc plus abordables- que l'émeraude, pour des couleurs analogues ne nécessitant, de surcroit, aucun traitement artificiel pour les intensifier.

  Voici donc des pierres qui, à défaut de toujours pouvoir être facilement distinguées les unes des autres au premier coup d'oeil, sont au moins susceptibles de faire  le bonheur des collectionneurs, des passionnés, des minéralogistes, des gemmologues et des joaillers, comme des simples amateurs de belles pierres ou de jolis bijoux.

Hans Cany

samedi 13 février 2016

La SHUNGITE de Russie : ni minéral imaginaire, ni pierre miraculeuse



Qu'est réellement la fameuse shungite
si controversée ?

 On a écrit, dit et propagé tout, n'importe quoi et son contraire, sur cette pierre encore ignorée de tous voici quelques années à peine, et portée au pinacle sous l'égide de commerçants évidemment intéressés par le nouveau "filon".
   

 Depuis son apparition relativement récente sur le marché des minéraux, arrivée dans le sillage de la vague lithothérapeutique, la shungite ne cesse depuis lors d'alimenter une vive polémique qui voit s'affronter ses fervents partisans et ses adversaires les plus farouches, ne laissant généralement guère de place à une quelconque position médiane. Ainsi, si les adeptes de la lithothérapie la parent de multiples vertus mirifiques et en font très volontiers une pierre quasi-miraculeuse, les voix discordantes, qui étayent leurs propos au nom de la  rigueur scientifique, dénigrent sans concessions et de façon souvent très virulente ce qu'elles présentent comme un ramassis de superstitions et de croyances inventées de toutes pièces, pour un caillou commun apparenté à la houille et présenté comme une nouvelle espèce minérale dans un but mercantile. Une imposture et une arnaque, en somme.


 Afin d'y voir plus clair, le mieux est sans doute de peser le pour et le contre en s'en tenant aux faits, rien qu'aux faits. Il n'est pas dans l'objet du présent texte de se prononcer quant aux propriétés mirobolantes attribuées par certains à la shungite, et qui en font  une véritable panacée chez les accros de la litho.
 Disons-le d'emblée : ceux qui n'y croient nullement et qui entendent dénoncer ce qu'ils considèrent - non sans raisons - comme une honteuse escroquerie commerciale, ont généralement tendance à adopter une position de rejet si radical que cela leur interdit même d'envisager que la shungite ait une quelconque légitimité sur le plan purement minéralogique. Ce faisant, ne jettent-ils pas un peu trop promptement le bébé avec l'eau du bain, pour reprendre une formule populaire ?

 Il importe tout d'abord de souligner le fait que le nom de shungite n'est pas de création aussi récente qu'on pourrait être tenté de le croire, puisqu'il fut employé pour la première fois en 1879, pour décrire un minéraloïde composé de carbone à plus de 98%. Néanmoins le terme fut appliqué plus récemment aux roches contenant de la shungite, ce qui est aujourd'hui à l'origine de malentendus et de confusions.

 Les critiques les plus largement répandues au sujet de cette pierre, outre le fait de nier en bloc l'ensemble des vertus physiques et thérapeutiques qui lui sont plus ou moins abusivement attribuées, lui dénient fréquemment jusqu'à la qualité d'espèce minérale stricto sensu, en l'apparentant juste à... du mauvais charbon ! En effet, la shungite est ainsi assimilée au lignite, stade intermédiaire entre la tourbe et la houille contenant 70 à 75% de carbone. Cette roche organique possède un potentiel calorifique inférieur à celui de la houille ou charbon proprement dit, ce qui en fait un combustible de moins bonne qualité.
Il faut à ce sujet remarquer que dans certains cas, ce qui est proposé aux acheteurs sous l'appellation de shungite ressemble en effet furieusement à de méchants morceaux de charbon naturel.  
 

 
Photo : Morceaux de lignite  vendu comme "shungite".

 
 
 On peut alors légitimement se demander dans quelle mesure le vendeur ou la vendeuse sont de bonne foi mais ignorants, abusés eux-mêmes par leurs fournisseurs, et dans quelle mesure la volonté de tromper l'acheteur en exploitant sa crédulité s'avère patente.  

 Bien qu'elle ne soit pas officiellement reconnue comme espèce minérale à part entière par la très institutionnelle et très académique I.M.A. (International Mineralogical Association), la shungite digne de ce néologisme semble bel et bien constituer une variété distincte et aisément reconnaissable au sein de la grande faille des minéraux carbonés. Elle tient son nom de Shunga, gisement type situé à proximité du lac Onega et de la Mer Blanche,  en République Fédérative de Carélie, région de Russie qui jouxte la Finlande.


Photo : Situation géograhique de la Carélie,
région russe du nord-ouest.


Outre les deux importants sites d'extraction de Shunga, d'autres gisements de moindre importance ont aussi été découverts en d'autres régions de Russie, comme dans les roches volcaniques de la presqu'ile du Kamchatka, ou encore à Chelyabinsk, dans l'Oural.
En dehors de la Russie, d'autres gisements de roche analogues ont été découverts en Autriche, en Inde, au Congo (ex-Zaïre) et au Kazakhstan.   


 La shungite présente un aspect caractéristique, d'une couleur gris anthracite à noir intense avec un éclat allant du mat au satiné, tantôt quasi soyeux, tantôt quasi métallique sombre lorsque la roche est polie ou taillée. Elle est d'ailleurs fréquemment façonnée en formes de cubes, de pyramides et d'autres objets décoratifs divers.
 

 Photo : Morceaux bruts et pyramides ornementales
de shungite.


 

 La shungite véritable se compose en fait de diverses formes allotropes (différentes formes cristallines et moléculaires)  de carbone, le tout étant cimenté par du carbone amorphe (sans structure cristalline) dans des proportions pouvant aller de 40 à 80% selon les gisements, associé à de la silice, auxquels est associé du feldspath en proportions elles aussi variables. Néanmoins, tout le monde ne s'accorde pas à ce sujet, puisqu'à en croire certaines sources russes, le carbone ne composerait en fait que 26% de la roche, qui  par ailleurs contiendrait environ 36% de silice, le reste étant constitué d'éléments divers tels que feldspath, oxyde d'aluminium et eau en quantités non négligeables. Certaines shungites contiendraient même moins de 10% de carbone.

 Quoi qu'il en soit, il s'agit en fait d'une roche du précambrien qui se situe à mi-chemin entre l'anthracite et le graphite, tout en étant plus dure que ces derniers.  Bien qu'inflammable, elle ne s'embrase et ne se consume que difficilement, en émettant peu de chaleur, et il convient donc de la distinguer des charbons qui vont de la tourbe à la houille, comme du jais ou des diverses variétés du lignite commun.
Elle appartient certes à cette grande famille de roches à base de carbone, mais en constitue bel et bien une variété - pour ne pas parler d'espèce - particulière.


 Photo : Shungites brutes, sur un lieu d'extraction.



 En 1992, des analyses effectuées en laboratoire sur un échantillon de shungite provenant d'un gisement russe  ont permis d'établir que ce dernier contenait des fullerènes, molécules de carbone affectant des formes géométriques spécifiques (sphères, ellipsoïdes, tubes ou anneaux). Il n'en a pas fallu davantage pour que certains s'emballent et spéculent sur les prétendues ou supposées propriétés de ces fullerènes, lesquelles n'ont pu à ce jour être scientifiquement prouvées, comme c'est presque toujours le cas en matière de lithothérapie.
Du reste, des études ultérieures ont finalement pu démontrer que l'échantillon de 1992 constituait en fait un specimen isolé, non représentatif de l'ensemble des shungites, lesquelles ne comprennent généralement pas de fullerènes. Cette théorie est donc depuis lors invalidée, et de facto abandonnée.

 Comme beaucoup de pierres noires, la shungite passe pour une pierre protectrice qui aurait notamment la propriété d' absorber les ondes négatives. Ceci la chargerait négativement au fil de son usage, ce qui nécessiterait de fréquents "rechargements" et "purifications"  du point de vue de la lithothérapie.

 Une des croyances les plus ancrées et les plus répandues attachées à la shungite réside dans le fait qu'elle ferait barrage aux rayonnements électromagnétiques. Pour cette raison, cette pierre serait incorporée dans la structure de certaines éoliennes, qui émettent ce type de rayonnements. Sur un plan physique mieux étudié, la shungite a des propriétés d'absorbance (absorption de la lumière) et de catalyse (en chimie). Cette propriété physique de catalyse, qui provoque l' accélération notable de certaines réactions chimiques, a mené à l'utilisation de la pierre dans le cadre de l'industrie métallurgique, où elle est employée comme agent fondant.


Photo : Mine de shungite, Russie
 Photo : Mine/carrière de Zazhoginsky. Carélie, Russie.

 Vidéo : Visite d'un site d'extraction de shungite

 Dans la construction, la shungite est également utilisée sous forme de carreaux et de briquettes. Sa teinte gris foncé à noir et sa surface agrémentée de veinules blanches, qui ne s'altèrent pas avec le temps ni sous l'action des éléments climatiques, en font un matériau ornemental apprécié, que l'on retrouve aussi bien dans les décors de certains temples que dans celui de stations de métro.


Photo : Carré de shungite, utilisé comme
ornement dans le bâtiment
 


 La poudre de shungite, obtenue à partir de shungite brûlée, est appelée "shungizite". Celle-ci est parfois employée dans le bâtiment elle aussi, où elle est mélangée aux composants du béton, dans le but de l'alléger.

 Mais cette "shungizite" est aussi appréciée pour ses propriétés filtrantes, et à ce titre, elle fait parfois aussi l'objet d'emplois plus discutables, ne seraient-ce que sur les plans sanitaire et médical. Ainsi, si elle permet de filtrer l'eau chlorée - en passant par cette poudre elle ressort non chlorée - , le liquide obtenu n'en est pas potable pour autant. D'aucuns préconisent pourtant la confection et la consommation de filtres et d'élixirs conçus avec de l'eau mise en contact prolongé avec de la shungite, ce que l'on ne saurait conseiller en aucun cas.

Cette utilisation à des fins médicales semble au moins remonter au XVIIIème siècle, puisqu'on rapporte que Pierre le Grand fit construire en Carélie le premier "spa" ou bain thermal de Russie, utilisant les vertus purifiantes sur l'eau de la shungite. Le tsar lui-même en aurait connu l'expérience. Il fit même distribuer de l'eau ainsi "purifiée" à ses armées.


Photo : Crâne ornemental sculpté en shungite


 Une certaine médecine alternative attribue aux filtres à la shungizite des propriétés antibactériennes, ce qui ne peut être vrai puisque l'emploi de tels filtres dans l'assainissement des eaux favorise au contraire le développement de bactéries dénitrifiantes. C'est d'ailleurs cette observation scientifique qui permet aujourd'hui de relativiser de précédentes conclusions qui tendaient à confirmer les croyances aux vertus antibactériennes de la pierre.

En outre, de façon plus générale en étendant la question à l'ensemble des roches carboniques, charbon en tête, on peut légitimement s'interroger quant à l'inocuité réelle pour l'organisme humain des eaux ainsi filtrées ou "chargées". Tout porte à croire, dans la mesure des connaissances médicales actuelles, que le carbone s'avère être en fait un très probable cancérogène, ce qui ne saurait bien évidemment inspirer que prudence et circonspection. Le principe de précaution doit en l'occurrence s'appliquer dans le cas présent .



Photo : pyramide en shungite
 
 
En résumé, on peut donc dire que même si elle fait l'objet de délires mystiques et de spéculations new-ageuses que rien de convaincant ne vient étayer, et même si le caractère calculé de sa vaste promotion commerciale n'est un mystère pour personne, il n'en demeure pas moins que la shungite, dans l'acception moderne du mot, c'est-à-dire de roche contenant de la shungite, est une réalité minérale.
Ou plus exactement une réalité rocheuse, puisqu'elle n'est pas un minéral mais une roche, constituée de divers minéraux et éléments dont
au moins 25% de carbone.
Sa formule chimique précise reste à déterminer pour en définir les contours exacts, mais la shungite véritable mériterait plus d'attention de la part des institutions officielles qui font autorité en matière de minéralogie et de géologie. Car elle constitue sinon une espèce rocheuse à part entière, du moins une variété particulière qu'il convient de répertorier, en la rattachant à une espèce préexistante.

L'avenir proche ou plus lointain rendra sans doute justice à la shungite. Discréditée, tournée en ridicule par la crédulité des fantaisistes comme par la cupidité des charlatans,
injustement méprisée et ignorée par les minéralogistes sérieux et des scientifiques plus ou moins dogmatiques, il s'agit pourtant d'une belle roche sombre qui présente un intérêt tant pour le collectionneur de pierres que pour l'artisan, le sculpteur, le constructeur ou l'industriel. Elle n'est sans doute ni la pierre miracle des gogos et des illuminés de tous poils, ni l'insignifiant caillou ou le méchant bout de charbon auxquels voudraient la réduire les plus stricts adeptes des sciences conventionnelles. La vérité sur la shungite se situe quelque part entre ces deux positions extrêmes. Tout comme elle doit elle-même se classer minéralogiquement entre deux types d'autres roches ou minéraux carboniques. Elle mérite mieux, en tout cas, que le dédain méprisant des uns comme les divagations plus ou moins farfelues des autres. En la matière, le sens critique comme celui de la mesure sont de mise.
 Le tout est simplement de savoir véritablement de quoi on parle. 

Hans CANY 


mercredi 6 janvier 2016

Pierre de Soleil : la vraie et la fausse

Dans la série des pierres dont on fait couramment passer des pièces de synthèse pour d'authentiques minéraux, la fameuse Pierre de Soleil occupe une place de choix, et même si la tromperie commerciale est aujourd'hui de plus en plus largement connue, nombre de néophytes s'y laissent hélas encore prendre...
Petit retour sur ce qu'est la Pierre de Soleil authentique, et sur ce qu'elle n'est pas.



La fausse "Pierre de Soleil"

Il est encore relativement courant de trouver, dans le commerce, ce qui a l'apparence de pierres roulées ou de galets scintillants, d'un rouge sombre à brunâtre, parsemés de myriades de petites paillettes à l'éclat métallique doré. Ce qui est proposé là n'a en fait strictement rien à voir avec l'authentique Pierre de Soleil, puisqu'il s'agit en fait tout simplement d'un faux "minéral" de synthèse, formé la plupart de temps de simple verre ou de résine, dans lequel ont été incorporés du colorant et des paillettes de laiton, ou autre matériau doré.

 
Ci-dessus et ci-dessous :
Fausses "Pierres de Soleil", en réalité un colorant et
des paillettes dorées englobés dans une pâte de verre.
 
 
Celle-ci, insistons bien sur ce fait, ne sont donc en aucun cas des Pierres de Soleil véritables et naturelles, et les vendeurs qui les proposent sans signaler qu'il s'agit de "pierres" de synthèse artificielles sont eux-mêmes induits en erreur par ignorance s'ils sont de bonne foi, ou animés d'une intention manifeste de profiter de la crédulité des acheteurs non avertis, s'ils agissent en toute connaissance de cause.



La vraie Pierre de Soleil

La vraie, l'authentique Pierre de Soleil naturelle est en réalité un fort beau feldspath, parsemé d'inclusions d'hématite et/ou de goethite, sous forme de lamelles orangées à rougeâtres qui réfléchissent la lumière. Minéralogiquement, il s'agit d'une variété d'oligoclase, et on l'appelle parfois aussi feldspath aventuriné. L'appellation Pierre de Soleil n'est qu'un nom d'usage servant à désigner une variété précise  et non une espèce minérale à part entière, et elle n'est donc pas reconnue par l' I.M.A., la très officielle
International Mineralogical Association.

A l'état brut, la véritable Pierre de Soleil se présente le plus couramment sous la forme de masses opaques gris clair à blanc , parsemées de tâches allant de l'orangé au rouge. L'ensemble de la pierre revêt un éclat vitreux qui réfléchit la lumière, effet que les photos de pierres brutes ne peuvent malheureusement pas restituer. Généralement, les Pierres de Soleil ont donc un aspect visuel plus remarquable en réalité que sous forme de photographies. On les trouve dans les roches métamorphiques et les magmatiques de pays tels que l'Inde, la Russie, les USA, le Canada, la Tanzanie et la Norvège.
 

Ci-dessus et ci-dessous :
Véritable Pierre de Soleil bute, Inde
 
 
De la Pierre de Soleil, classée parmi les pierres ornementales, on fait de jolis galets et des pierres roulées. Elle est aussi façonnée de diverses manières pour en faire des pendentifs ou autres bijoux, des objets décoratifs etc.

 
Les rares spécimens de qualité gemme, généralement de taille très réduite, présentent une limpidité teintée d'orangé qui les fait resplendir à la lumière du soleil. De ce fait, ils sont particulièrement appréciés des joaillers et des collectionneurs. La Tanzanie, notamment, fournit des gemmes de Pierres de Soleil qui sont de toute beauté.

 
Ci-dessus et ci-dessous :
Pierres de Soleil de qualité gemme, Tanzanie

 
 

 La Pierre de Soleil est l'objet de diverses croyances quant à ses propriétés psychiques et spirituelles présumées. Comme son nom l´indique, c´est une pierre solaire, que l´on associe à la notion d´optimisme. Elle favoriserait une attitude positive par rapport à la vie. Elle aiderait à atténuer les peurs, les soucis et la dépression. La Pierre de Soleil serait de façon générale une pierre de gaieté, de joie, dynamisant l´énergie interne. Elle est également une pierre d´amitié, de rencontres.

 Selon les adeptes de la lithothérapie, elle renforcerait le dos, les reins, le coeur, et serait très utile pour les convalescent(e)s : elle leur donnerait le courage de se rétablir plus rapidement. Selon certains spécialistes en la matière, ce serait une pierre assez complète, réunissant les propriétés de la cornaline, de l´ambre, de la citrine et de l´hématite.

Enfin, pour clore cette rapide présentation d'un minéral relativement peu connu, il ne fallait bien sûr pas oublier d'évoquer la mystérieuse Pierre de Soleil dont les Vikings, à en croire certaines sources, se seraient servi comme aide à la navigation, car elle aurait eu la propriété de les aider à déterminer la position des astres, et donc à s'orienter. Cette question, non résolue, fait toujours l'objet de controverses à l'heure actuelle. S'il s'avère que les anciens Scandinaves ont effectivement fait usage de ce qu'ils nommaient Pierre de Soleil, il est à se demander s'il s'est agi de la même pierre que celle dont il est ici question.
 Il est tentant, en effet, d'identifier la variété gemme du minéral à cette pierre mythique.   D'aucuns avancent l'hypothèse de la calcite optique, curieusement nommée aussi Spath d'Islande, et connue pour ses propriétés de biréfringence. D'autres encore soupçonnent la cordiérite, ou iolite, dont les spécimens de qualité gemme on souvent la particularité de réfléchir la lumière en changeant de couleur en fonction de l'angle de vision, phénomène optique désigné sous le nom de dichroïsme. Enfin, certains penchent plutôt pour l'ambre de la Mer Baltique, qui peut si joliment réfléchir les rayons de l'astre solaire...
Qui a raison, qui a tort ? La question reste à trancher.

Quoiqu'il en soit, la Pierre de Soleil naturelle que nous connaissons aujourd'hui sous ce nom mérite d'être redécouverte, car l'espèce produit des pièces superbes et des gemmes d'aspect exceptionnel.

Hans CANY 






dimanche 13 décembre 2015

Ne pas confondre onyx et "onyx"



Il est d'usage, de nos jours, de qualifier d'onyx des pierres très dissemblables, n'ayant pas le moindre rapport entre elles. On peut indéniablement déplorer cet état de fait, car l'emploi inapproprié de cette appellation ne fait bien entendu que cultiver la confusion des genres...

Voyons donc brièvement, de plus près, de quoi il retourne.





L' "ONYX MARBRE" : Ni marbre, ni onyx


La pierre qui est aujourd'hui la plus communément désignée comme onyx est ce que l'on appelle abusivement "onyx marbre", lequel n'est en fait pas davantage de l'onyx qu'une quelconque variété de marbre. Il s'agit en réalité d'une belle combinaison d'aragonite et de calcite, donc de carbonate de calcium dans les deux cas. C'est une pierre tendre, d'une dureté de 3 sur l'échelle de Mohs. Cela en fait une pierre aisément façonnable, et l'on en fait notamment des oeufs décoratifs, des vases taillés dans de grosses pièces, des cendriers, des objets ornementaux divers etc.  Elle est fort appréciée pour ses surfaces souvent zonées et contrastées, à dominantes vertes, jaunes, beiges, blanches et brunes, parfois brun-rouge.


Petites pierres roulées d' "onyx marbre" (aragonite + calcite)

Ci-dessus et ci-dessous :
"Onyx marbre" (aragonite + calcite) brut


Vases en "Onyx marbre" (aragonite + calcite),
tels qu'en produisent notamment la Turquie
et autres pays du Proche et du Moyen Orient
jusqu'au Pakistan, où se trouvent d'importants gisements.


Oeuf en "onyx marbre" (aragonite + calcite)

Sphère en "onyx marbre" (aragonite + calcite)
du Pakistan


Ceci, rappelons-le, est souvent ce que le grand public entend par "onyx", puisqu'il s'agit de la dénomination commerciale adoptée par les marchands à l'intention de leurs clients, que ceux-ci soient des touristes avides d'artisanat local, ou de simples amateurs de beaux objets en pierre.
Néanmoins, il convient d'insister sur le fait que cette dénomination est totalement inappropriée, puisque d'un point de vue minéralogique, le prétendu "onyx marbre" n'a  strictement rien à voir, ni de près ni de loin, avec l'onyx digne de ce nom.

L' usage d'appeler "onyx" ce type de pierre est en fait directement hérité des Romains de l'Antiquité qui la classaient de manière erronée parmi les onyx, d'où la confusion qui s'est par la suite perpétuée jusqu'à nos jours.




L'ONYX NOIR, onyx véritable

Objet depuis la nuit des temps de superstitions et de croyances des plus contradictoires, lui attribuant tour à tour des propriétés tantôt négatives, voire maléfiques, tantôt bénéfiques et protectrices, l'onyx noir est l'onyx véritable. Il s'agit en fait d'une variété noire d'agate, quelquefois en partie zonée de blanc, même si c'est généralement la partie noire seule qui est employée en joaillerie. De ce fait, l'onyx véritable revêt le plus souvent l'aspect d'une pierre d'un noir profond et uniforme, même si certaines pièces  peuvent être joliment agrémentées de veines blanches contrastées.

Onyx véritable poli

Du fait qu'il n'est autre qu'une variété d'agate, l'onyx appartient donc à la famille des calcédoines, et il s'agit donc d'un quartz microcristallin, d'une dureté atteignant 7 sur l'échelle de Mohs. Les gisements d'onyx se trouvent en de multiples zones du globe, en Inde, au Pakistan, en Iran, mais aussi en Amérique du Sud (Brésil), à Madagascar, en Afrique du Sud etc. A l'état brut, il se présente sous la forme d'une pierre noirâtre à noir profond, opaque, compacte et d'un éclat pouvant aller du mat au finement satiné, voire à l'éclat vitreux.

Onyx brut

L'onyx brut n'est pas toujours aisé à distinguer du jaspe noir (ou lydienne), lui aussi principalement constitué de calcédoine et donc proche de l'agate noire. A tel point que la limite entre ces deux espèces minérales et souvent assez floue. Il arrive que seuls des spécialistes aguerris soient en mesure d'établir une distinction précise dans certains cas.
Roulé, l'onyx noir se distingue de l'obsidienne par sa dureté, nettement plus élevée, ainsi que par sa surface qui n'est jamais totalement uniforme. Même sur les pièces d'un noir apparemment profond, il est possible de distinguer, à l'aide d'une loupe de bijoutier, de petites rugosités et imperfections typiques de l'onyx, et que l'on ne retrouve ni chez ses imitations synthétiques, ni chez l'obsidienne.


 Onyx roulé

Du fait de sa dureté, de l'intensité de sa teinte noire, ainsi que du prestige nimbé de mystère qui s'attache à son nom, l'onyx est un minéral très prisé, est est largement employé en joaillerie. Il l'est également, dans une moindre mesure, en tant que pierre ornementale.






L'engouement du public pour cette pierre noire qui ne manque pas de classe n'a évidemment pas manqué de susciter l'appât du gain chez certains, d'où la multiplication sur le marché des bagues, pendentifs et autres bijoux réalisés avec une gemme d'imitation, que celle-ci soit synthétique ou du verre coloré, voire dans certains cas du simple plastique noir ! La prudence est donc de mise en la matière, et ce d'autant plus que certains vendeurs peu scrupuleux "omettent" sciemment de préciser aux acheteurs potentiels que ce qu'ils leur proposent n'est que pierre de synthèse ou verroterie.
Posez toujours la question au vendeur, et dans le doute, abstenez-vous. Il ne faut pas perdre de vue non plus le fait que l'onyx est une pierre assez cotée, et qu'un prix de vente anormalement bas, ou le fait que la pierre soit montée sur un métal vil (autre qu'argent, étain ou or) doit être de nature à éveiller les soupçons...


 
En guise d'appendice, notons aussi qu'il existe une variété particulière de la pierre, nommée Sardonyx. Comme son nom l'indique, le sardonyx est une composition d'onyx et de sardoine, elle-même variété brune de la cornaline (autre variété d'agate/calcédoine). Le sardonyx, curieux hybride, revêt donc l'apparence d'un onyx zoné et contrasté, sur lequel alternent le brun, parfois rougeâtre, ainsi que le noir et le blanc.

Sardonyx



Nous voici à présent parvenus au terme de cette petite présentation qui, en rendant à César ce qui est à César, n'a pas d'autre prétention que celle de tordre le cou à une idée fausse : Non, l' "onyx marbre" n'est ni un marbre, ni un onyx. L'onyx, le vrai, est une pierre dure et ténébreuse, que d'aucuns, jadis, croyaient habitée par un esprit mauvais. Lorsqu'il provient d'Inde, où se situent d'importants gisements d'onyx et de jaspe noirs, on serait tenté de le surnommer Pierre de Kali, du nom de Kali (en sanskrit : काली ), la Noire, aspect terrible de la Grande Déesse dans la tradition mythologique hindoue. Comme elle, on lui attribue des aspects à la fois terrifiants et bénéfiques, qui en fait une pierre aux polarités opposées mais complémentaires et intimement liées. Certaines personnes vouent une crainte quasi-superstitieuse à l'onyx noir, qu'elles accusent d'émettre des ondes négatives. D'autres, au contraire, le parent des plus admirables vertus.
Ceci est affaire de croyances, et ne doit pas occulter le fait qu'il s'agit avant tout d'une belle espèce minérale, dont sont issues des pièces de grande qualité. La vigilance doit néanmoins rester de mise, car les confusions comme les contrefaçons et autres imitations sont légions.

Hans CANY